Forêt étonnante, moins par la majesté de ses futaies que par les rêves qu’elle ne cesse d’engendrer, Brocéliande mêle dans un paysage de landes, de bois, d’étangs, d’originales traces de la préhistoire, de l’histoire et le souvenir de la plus belle des légendes médiévales, la légende arthurienne.
La réputation de Brocéliande comme lieu féerique, source de prodiges et d’événements surnaturels, précédait assurément l’écriture, puisque les plus anciens auteurs de romans arthuriens lui attribuent clairement cette qualité. Le poète anglo-normand Wace, qui vint en Brocéliande au 12e siècle, est le premier à mentionner dans son Roman de Brut, la présence des fées à Brocéliande et les pouvoirs merveilleux de Barenton. Il concède cependant que, si ces prodiges existent, il n’a pas eu la chance de les voir.
Après lui, avec le Chevalier au Lion, Chrétien de Troyes assure la renommée de Barenton, et Brocéliande devient définitivement la forêt des légendes. La tradition se poursuit durant tout le Moyen Âge dans les grandes suites romanesques de la Table Ronde, et dans des autres romans courtois ou moraux, comme Claris et Laris, le Tournoiement de l’Antéchrist, et cela jusqu’au 15e siècle avec le Roman de Ponthus et de la belle Sidoine. Au 19e siècle, romantisme, renouveau médiéval, sentiment retrouvé de l’identité culturelle bretonne finissent d’ancrer en Brocéliande la mémoire arthurienne.
Les conteurs itinérants, bardes bretons ou gallois, voyageaient par toute l’Europe ; Marie de France ou Chrétien de Troyes, ont recueilli leurs récits, et Chrétien a ainsi découvert le nom et la réputation féerique de Brocéliande et les récits dont elle était le cadre ou l’élément essentiel, sans jamais l’avoir visitée. Mais personne ne soutiendra jamais que les romans arthuriens s’écrivaient d’après nature. Après Chrétien, tous les romanciers médiévaux s’inspirent d’une forêt et d’une fontaine qu’ils n’ont sans doute jamais vues et de héros dont seuls les récits des prouesses sont parvenus jusqu’à eux. En fait, la question n’est pas tant de savoir comment les légendes arthuriennes se sont implantées en Brocéliande, mais plutôt comment Brocéliande, forêt armoricaine, s’est implantée au coeur du roman arthurien.
En tout cas, puisant dans le fonds merveilleux des conteurs bretons, les romanciers médiévaux ont laissé la forêt celtique - Northumberlande, Calidon ou Brocéliande - envahir leurs récits. Aujourd’hui encore, à rechercher la trace de cette mémoire multiple, sur les hauts lieux de Brocéliande, les pas du visiteur rejoignent ceux du pèlerin et la randonnée s’accompagne d’une ferveur toute particulière.
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